Page:Conférences inédites de l'Académie royale de peinture et de sculpture.djvu/166

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génie, pour emprunter de ses lumières ; au contraire, cela est même très nécessaire. Je prétends seulement dire qu’il ne faut pas s’attacher absolument et positivement, à la manière d’un autre, comme s’il n’y en avait qu’une seule imitable, ce qui n’arrive jamais qu’à des personnes très peu éclairées ; ou si des personnes qui ont du génie sont prévenues de ce faux sentiment, ils n’y demeurent que jusques ce qu’ils aient acquis assez de lumière pour s’apercevoir que leur génie a assez d’avantage de soi pour être laissé dans sa liberté naturelle. Pour mieux faire comprendre ce que je veux dire, je rapporterai en peu de mots un exemple de ma proposition, que j’ai vu aux Pays-Bas où la peinture était, il y a soixante ans, dans une réputation plus grande qu’en aucun pays de deçà les monts. Rubens a achevé de lui donner son dernier lustre. Ce grand peintre, que j’admire dans toute l’étendue de l’estime qu’il mérite, et auquel je ne prétends rien ôter de ce qui lui est dû, effaça en peu de temps dans les esprits tout ce qui s’était fait jusqu’à son temps. Tous les élèves de ce pays-là aspirèrent à l’envi de suivre directement sa manière et d’en faire une juste copie dans leurs productions, ce qui a changé de face en même temps toute la peinture de ce pays-là, et a borné la réputation de ceux qui ont travaillé depuis lui à celle des copistes de Rubens. Ils n’en sont pas même encore bien