Page:Conférences inédites de l'Académie royale de peinture et de sculpture.djvu/200

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l’objet de la vue ; il doit lui être proportionné et l’attirer aisément et sans lui faire aucune peine. L’œil a cela de commun avec tous les autres sens qu’il ne peut naturellement se partager à plusieurs objets sans peine et sans diminuer son action, et nous sommes bien moins capables de juger de ces mêmes objets quand ils sont multipliés que lorsqu’il n’y en a qu’un ; et de même que deux ou trois personnes qui nous parlent en même temps partagent notre attention, et font souffrir en quelque façon nos oreilles, ainsi nos yeux se portent avec inquiétude sur plusieurs figures ensemble, quand ces parties ne font point partie d’un tout et n’ont aucune relation l’une à l’autre.

Il est donc nécessaire d’admettre l’unité d’objet dans les tableaux, quelque grande que soit la quantité de figures qu’on y introduit. Quand elles sont bien placées et bien entendues, elles doivent faire le même plaisir aux yeux qu’un concert de quantité de voix fait aux oreilles.

Pour faire une unité parfaite, il faut que les parties qui la composent soient imparfaites en elles-mêmes et lorsqu’on les regarde séparément, en sorte que si elles étaient tirées de leur tout, aucune d’elles ne pourrait faire rien d’achevé et d’accompli. Une seule tête nous fait voir parfaitement cette unité, soit qu’on la regarde dans son sujet et son expression, soit qu’on la considère dans son relief ;