Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/260

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cuirassier borgne, tandis que l’autre vétéran remarquait :

— C’est gênant, tout de même.

— L’état d’esprit des gens, dans cette partie du pays, m’interdisait d’avertir personne des motifs de votre présence, expliqua courtoisement d’Hubert.

Ils saluèrent, regardèrent autour d’eux, et firent observer tous deux en même temps :

— Fichu terrain !

— Rien à faire ici.

— Pourquoi nous tourmenter de terrain, de mesures, d’un tas d’embarras ? Simplifions les choses. Chargez les deux paires de pistolets. Je prendrai ceux du général Féraud et il prendra les miens. Ou mieux encore ; prenons une paire mixte, un de chaque paire. Puis nous entrerons dans le bois et nous tirerons à vue, pendant que vous resterez sur la lisière. Nous ne sommes pas ici pour faire des cérémonies, mais pour un combat à mort. Le premier terrain venu est assez bon pour cela. Si je tombe, laissez-moi où je serai et sauvez-vous ; il ne serait pas prudent pour vous d’être découverts dans les environs.

Après une courte discussion, Féraud accepta ces conditions. Pendant que les seconds chargeaient les pistolets, on l’entendit siffler et on le vit se frotter les mains avec une parfaite satisfaction. Il défit vivement sa capote, tandis que le général ôtait la sienne, et la posait soigneusement sur un rocher.

— Vous pourrez conduire votre homme à l’autre lisière du bois et l’y laisser entrer exactement dans dix minutes, proposa d’Hubert avec calme, mais avec le sentiment qu’il donnait des ordres pour son exécution. Ce fut d’ailleurs son dernier moment de faiblesse. Attendez. Comparons d’abord nos montres..

Il sortit la sienne. L’homme au nez gelé alla emprunter celle du général Féraud. Ils penchèrent un instant la tête sur les aiguilles.