ceci : « Tse ! » et l’écarta avec un geste d’impatience. Comme le Comte remettait dans son gousset la montre dédaignée, l’autre demanda en pesant avec une insistance menaçante sur l’épigastre de sa victime, en manière de réminiscence :
— Vostri anelli.
— Une de mes bagues, m’expliqua le Comte, m’a été donnée il y a bien des années par ma femme ; l’autre est un cachet de mon père. Je dis : « Non, cela, vous ne l’aurez pas ! »
Ici, le Comte reproduisit le geste correspondant à cette déclaration, en serrant ses mains l’une contre l’autre et en les pressant contre sa poitrine. Geste touchant dans sa résignation. « Cela vous ne l’aurez pas ! » insista-t-il avec fermeté, et il ferma les yeux s’attendant — je ne sais si j’ai le droit de raconter qu’un aussi vilain mot sortit de sa bouche — s’attendant à se sentir — j’hésite vraiment à le dire — éventré par un coup de la longue lame aiguë, traîtreusement appliquée au creux de sa poitrine, siège, chez tous les humains, des sensations d’angoisse.
De grandes vagues d’harmonie passaient sur le jardin.
Tout à coup, le Comte se sentit délivré du cauchemar de l’horrible pression. Il ouvrit les yeux. Il était seul. Il n’avait rien entendu. Il est probable que « le jeune homme » était parti à pas feutrés, depuis quelques instants, mais que le sentiment de l’atroce sensation avait persisté chez le Comte, bien que la lame ne pesât plus sur sa poitrine. Une faiblesse l’accabla. Il eut juste le temps de s’avancer jusqu’au banc. Il lui semblait qu’il avait retenu très longtemps son haleine. Il s’affala, tout pantelant du choc de la réaction.
L’orchestre exécutait, avec une admirable bravoure, un finale échevelé qui se termina en un grand éclat de cuivre. Le vieillard entendit un son confus et éloigné, comme si ses oreilles avaient été bouchées, puis