Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/132

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Jeanne de pénétrer dans notre ville ? Tous les bouchers sont prêts : les goedendags sont derrière les portes et, au premier signal, les léliards sont à bas…

— Gardez-vous bien de toute violence, répondit de Coninck. C’est la coutume, en tout pays, de recevoir avec pompe le suzerain : cela ne peut donc déshonorer la commune de Bruges. Mieux vaut réserver ses forces pour des occasions plus importantes. Maître Jean, notre pays est couvert de soldats étrangers, et peut-être aurions-nous le dessous dans la lutte.

— Mais il y a déjà trop longtemps que cela dure, maître, et j’aimerais mieux trancher le nœud avec un bon couteau que de travailler si longtemps à le dénouer. Vous me comprenez, n’est-ce pas ?

— Sans doute, mais c’est une mauvaise idée, Breydel ; la prudence est le meilleur des couteaux ; il tranche lentement, mais ne s’ébrèche ni ne se brise. Fermer les portes demain ! À quoi bon, nous n’y gagnerons rien. Écoutez et souvenez-vous de mes paroles : laissez tranquillement s’éloigner l’orage, laissez une partie des troupes étrangères rentrer en France ; cédez un peu aux Français et aux léliards, afin qu’ils se relâchent de leur vigilance…

— Non, dit Breydel, en interrompant son compagnon, non, c’est impossible, il faut que cela finisse, et finissons promptement. Voyez dans les campagnes, ils pillent les laboureurs ; regardez dans les villes, ils nous malmènent comme si nous étions leurs serfs.