Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/187

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en péril. Compagnons, ici toute lutte est inutile…

— Comment ! comment ! s’écria Jean Breydel. Toute lutte inutile ? Et qui donc vous inspire de semblables paroles ?

— La prudence et l’amour de ma ville natale, répondit de Coninck. Nous pouvons, comme Flamands, mourir, les armes à la main, sur les ruines fumantes de notre ville ; nous pouvons succomber vaillamment au milieu des cadavres sanglants de nos frères, — nous sommes des hommes ! Mais nos femmes, mais nos enfants, Les livrerons-nous, désarmés et abandonnés, à la vengeance de nos ennemis ? Non, le courage a été donné à l’homme pour la défense de ceux qui sont plus faibles que lui… Il faut rendre la ville !

Ces paroles produisirent l’effet d’un coup de foudre sur les auditeurs : ils crurent entendre un insultant blasphème, et tous à la fois s’écrièrent :

— Rendre la ville ! Nous !…

De Coninck demeura calme en présence de ces reproches, et répondit :

— Oui, compagnons, cette résolution doit déchirer vos cœurs avides de liberté, mais c’est la seule ressource qui nous reste, le seul parti qui puisse sauver Bruges d’une entière destruction.

Pendant que de Coninck parlait, Jean Breydel s’était répandu en exclamations de colère. Lorsqu’il s’aperçut que plusieurs doyens penchaient vers la soumission, il s’avança vivement au premier rang.