Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/252

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Flamand sentit ses jambes, serrées par les genoux du Français, ployer et se dérober sous lui. Cette longue lutte, dans laquelle il voyait pour la première fois de sa vie fléchir son courage, lui sembla plus cruelle que les tortures de l’enfer. Une écume sanglante lui vint aux lèvres et il devint fou de fureur. Alors, il lâcha tout à coup le Français et s’élança sur lui tête baissée. Tel qu’un bélier qui bat la muraille, le front de Breydel frappa son ennemi en pleine poitrine. La violence du choc fut telle, que Leroux recula en chancelant et que le sang lui sortit par le nez et par la bouche. Sans lui laisser le temps de se redresser sur ses jambes, le poing du Flamand s’abattit sur sa tête comme une pierre et il tomba étendu sur le sol en poussant un cri de douleur[1].

— Vous avez senti la griffe du Lion ! rugit Breydel.

Les soldats, spectateurs de cette lutte, avaient encouragé leur camarade par des paroles et par des exclamations, mais ils ne s’en étaient pas mêlés autrement. Pendant qu’ils relevaient Leroux expirant, Breydel quitta à pas lents le lieu du combat et rentra dans la taverne ; il commanda un autre pot de bière et but à plusieurs reprises pour étancher la soif brûlante qui le dévorait.

  1. Le premier mai suivant, Jean Breydel, alla boire au château de Male, où il eut une querelle avec un des gens du châtelain, qui avait reproché aux Brugeois d’être des mutins ; il tua cet homme sur place. (Annales de Bruges.)