Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/281

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nison française de la ville avait couru aux armes. Encore tout enivré de sa victoire, il n’écouta pas de conseil et se crut assez fort pour entrer à Bruges contre la volonté des Français ; mais, à quelques pas du village de Sainte-Croix, il fut retenu avec ses bouchers par un obstacle inattendu.

La route, jusqu’à la porte de la ville, était tellement couverte de monde, qu’il aurait été impossible de traverser cette foule compacte. Quoiqu’il fît encore nuit noire, on pouvait cependant reconnaître aux milliers de voix qui se mêlaient en un murmure confus qu’une multitude innombrable quittait la ville. Breydel étonné regarda ce peuple qui s’avançait comme une mer furieuse et se rangea avec ses bouchers au bord de la route. Les fuyards ne couraient pas pêle-mêle ; chaque famille formait un groupe distinct et ne se mêlait pas aux autres. Une femme en pleurs était au milieu de chaque groupe ; sur ses épaules s’appuyait un vieux père courbé par l’âge ; à son sein pendait un nourrisson, et d’autres enfants la suivaient cramponnés à ses jupes ou lui tenaient les mains. Derrière elle marchaient des fils plus âgés, fléchissant sous le poids des meubles et des literies. Il y avait une infinité de petites troupes pareilles ; quelques-unes avaient de petites carrioles chargées de marchandises, d’autres étaient à cheval ; le nombre de ceux qui pouvaient se servir de bêtes de somme était très-restreint.

Curieux de connaître la cause de cette fuite ex-