Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/285

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leurs hommes. Alors la voix de Jean Breydel s’éleva, il criait :

— Bouchers ! rangez-vous à la tête de la troupe ! Chacun dans sa compagnie. Hâtez-vous !

En même temps, il courut vers les bouchers et leur assigna leur place. Quand cela fut fait, il revint près de de Coninck.

— Nous sommes prêts, maître, dit-il ; vous pouvez commander.

— Non, Breydel, répondit le doyen des tisserands, je vous laisse le commandement en chef de la troupe ; vous avez plus que moi l’air d’un général.

Breydel, tout fier de cet honneur, s’écria d’une voix tonnante :

— Bouchers et tisserands, au pas ordinaire. En avant !

À cet ordre, les rangs s’ébranlèrent, et la petite armée s’avança lentement sur la route. Peu de temps après, ils arrivèrent à Sainte-Croix, près des femmes et des enfants, qui s’étaient arrêtés là avec leurs meubles. C’était un campement étrange : d’innombrables familles étaient assises sur le sol. La nuit était tellement noire qu’il eût été impossible de voir à quelques pas de soi si des feux multipliés, qui venaient d’être allumés, n’avaient montré la foule des fuyards assise dans ce cercle ardent. La flamme illuminait d’un éclat rougeâtre la figure contractée des mères, serrant avec angoisse contre leur poitrine leurs nourrissons effrayés et tenant sur leurs genoux