Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/327

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cruelle punition, mais bien les bannis qui sont à Damme. De Coninck et Breydel, avec leurs partisans, voilà ceux qui ont encouru la mort ; mais non ces citoyens sans défense que vous voulez voir pendre par seul esprit de vengeance.

— Messire de Mortenay, observa de Châtillon, vous m’avez fait savoir qu’ils refusaient de vendre des vivres à vos soldats : n’est-ce pas assez ?

— Il est vrai, messire, qu’ils ont eu tort dans ce refus ; comme sujets, il était de leur devoir d’obéir ; mais mes soldats n’ont pas reçu de paye depuis six mois, et les Flamands ne veulent rien vendre que contre argent comptant. Je serais vraiment désolé si la lettre que je vous ai adressée avait d’aussi déplorables conséquences.

— Cette crainte peut être très-préjudiciable à la couronne de France, dit de Gistel. Je m’étonne de voir messire de Mortenay soutenir les Brugeois révoltés.

À ce reproche, de Mortenay fut pris d’une grande colère, car de Gistel avait donné à ses paroles une intonnation insultante. Le généreux gouverneur jeta sur le léliard un regard de souverain mépris, et répondit :

— Si vous aimiez votre pays, vous ne demanderiez pas la mort de vos infortunés frères, et moi, Français, je ne serais pas obligé de prendre leur défense. Écoutez bien ce que je vais dire, et ce que je veux que messire de Châtillon entende : les Brugeois ne nous eussent jamais refusé de vivres si vous n’eus-