Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/326

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valier jetait un regard de compassion sur le peuple inquiet, et un regard de mépris sur le traître Gistel ; car celui-ci disait à messire de Châtillon :

— Croyez-moi, messire, je connais mes entêtés compatriotes, votre indulgence accroîtrait leur insolente audace ; ne réchauffez pas un serpent qui vous mordrait plus tard. Je sais, par expérience, que les Brugeois ne courberont pas la tête aussi longtemps que ces grands couteaux de bouchers se trouveront parmi eux ; il faut exterminer cette engeance si l’on veut jamais être maître du reste.

— Il me semble, dit le chancelier en souriant, que messire de Gistel n’aime pas trop ses compatriotes ; car, si on voulait l’en croire, demain matin il n’y aurait plus âme qui vive dans Bruges.

— Je vous assure, messires, reprit de Gistel, que c’est l’amour de mon roi qui m’inspire ces paroles. Je le répète, la mort des meneurs peut seule étouffer le feu de la sédition dans notre ville. J’ai en tête la liste des klauwaerts les plus obstinés ; tant que ces séditieux seront libres d’aller et de venir dans Bruges, le rétablissement du calme sera impossible.

— À quel chiffre s’élève cette liste ? demanda de Châtillon.

— À quarante environ, répondit froidement de Gistel.

— Qu’est-ce ? s’écria de Mortenay avec indignation ; vous feriez pendre quarante de ces hommes ? Ce ne sont pas ceux-ci qui ont mérité une aussi