Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/342

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Breydel, avaient emporté les corps de la mère et de la fille, et les transportèrent sur un brancard jusqu’à la porte de Damme. Là, encore, se passa une scène désolante et de nature à éveiller la pitié dans tous les cœurs. Des milliers de femmes en pleurs, d’enfants se lamentant, de vieillards perclus par l’âge, suppliaient à genoux qu’on leur permît de quitter la ville ; mais les soldats, qui avaient reçu l’ordre de tenir les portes fermées, restaient sourds à toutes les supplications et répondaient par de cruelles plaisanteries aux larmes de ceux qui les imploraient. Après avoir prié inutilement pendant longtemps, une femme eut l’heureuse idée de donner ses bijoux aux gardes. Elle fut imitée par un grand nombre d’autres, et bientôt il y eut devant la porte un monceau de colliers, d’agrafes, de boucles d’oreille de prix et d’autres riches parures.

Les soldats s’en saisirent avec avidité et promirent d’ouvrir les portes si les fugitifs consentaient à leur donner tous leurs joyaux. Les femmes se hâtèrent de leur jeter tout ce qu’elles possédaient qui eût quelque valeur, argent, bijoux, et la porte s’ouvrit.

Des cris de joie saluèrent cette bienheureuse délivrance : les mères prirent leurs enfants sur le bras, le fils soutint les pas de son vieux père, et tous se précipitèrent, comme un torrent, à travers la porte. Les hommes qui portaient les cadavres de la mère et de la sœur de Jean Breydel suivirent les autres