Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/355

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Une ardente colère enflammait ses joues. Lui qui, d’ordinaire, était si calme et si maître de lui, était plus irrité que Breydel, bien que cette irritation ne se trahît pas complétement sur son visage. Il quitta la tente pendant quelques instants, et reparut avec un compagnon des métiers auquel il fit faire un récit circonstancié de tous les événements qui s’étaient passés à Bruges ce jour-là. Les deux doyens apprirent de lui le chiffre de la nouvelle armée de Châtillon, la mort des citoyens envoyés à la potence et l’horrible pillage de la ville.

Breydel écouta ce récit avec sangfroid, car tous ces crimes ne le touchaient pas aussi vivement que le meurtre qui l’avait frappé dans ses affections les plus chères. De Coninck, au contraire, s’irritait de plus en plus, à mesure que l’affreuse scène se déroulait devant lui. Les détails que lui révéla le récit étaient très-douloureux pour lui ; mais il ne considérait pas l’événement sous ce point de vue : l’amour de la patrie et de la liberté, tels étaient les deux sentiments qui inspiraient sa colère. Il s’apercevait que le temps était venu, et qu’il fallait se mettre à l’œuvre sans retard ; d’ailleurs, la cruelle exécution qui venait d’avoir lieu pouvait terrifier les Flamands et leur ôter tout courage. Il congédia le compagnon et appuya silencieusement son front sur sa main, tandis que Breydel attendait avec impatience ce qu’allait dire son ami.