Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/396

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Sept mille étrangers venaient de payer de leur vie une oppression qui avait duré deux années : il n’y en avait plus un seul qui respirât dans la ville de Bruges rendue à la liberté ; le peuple se réjouissait de sa délivrance, la ville retentissait de chants joyeux composés par les ménestrels pour la circonstance, et l’étendard blanc faisait flotter dans ses plis ondoyants le lion d’azur au sommet des tours. Cet étendard, qui jadis avait brillé triomphalement sur les murs de Jérusalem et qui rappelait des faits si glorieux, enorgueillissait le cœur des citoyens : ce jour-là l’asservissement de la Flandre était impossible, car les Brugeois se rappelaient combien de sang leurs pères avaient répandu pour la liberté. Des larmes mouillaient de temps en temps leurs yeux, de ces larmes qui soulagent l’âme quand de généreuses passions l’enflamment et qu’elle déborde d’ardeur.

Peut-être croira-t-on que le doyen des tisserands jugeait l’œuvre de délivrance accomplie et s’occupait de restaurer sa demeure dévastée par le pillage. Non, il ne songeait ni à sa demeure ni aux richesses qu’il avait perdues : le bonheur et le repos de ses frères étaient ses premiers soucis. Sachant qu’il suffit d’une nuit pour que le désordre et l’anarchie succèdent à la liberté, il fit, dès le même jour, élire par chaque métier un ancien, et, avec le consentement du peuple, les institua en conseil de gouvernement. Il ne fut pas nommé président de ce conseil ; il ne fut pas investi d’une charge spéciale, il les prit toutes