Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/431

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dans leurs bras, avec un effroi mêlé de pitié, leurs filles épouvantées. Les enfants pleuraient parce qu’ils voyaient pleurer leurs mères et tremblaient sans avoir la pleine connaissance du danger qui les menaçait. Les cris de douleur de ces faibles créatures et l’expression d’épouvante qui se peignait sur leurs traits contrastaient singulièrement avec l’attitude ferme et résolue des hommes.

De toutes parts les gens des métiers accouraient avec leurs armes ; le bruit des plaques de fer qu’un certain nombre d’entre eux avaient prises comme armes défensives frappait l’oreille lugubrement et se mêlait, comme une amère ironie, aux lamentations des femmes et des enfants au désespoir. Quand des hommes se rencontraient dans la rue, ils s’arrêtaient un instant pour échanger quelques paroles et s’encourageaient mutuellement à vaincre ou à mourir. Çà et là, on voyait, sur le seuil d’une maison, le père de famille embrasser tour à tour sa femme et ses enfants ; mais il essuyait bientôt les larmes qui mouillaient ses yeux et, comprimant sa tristesse, disparaissait avec ses armes dans la direction du marché du Vendredi. La mère restait longtemps encore sur la porte et regardait le coin de rue où avait disparu le père de ses enfants. Cet adieu suprême lui semblait une éternelle séparation, et elle versait un torrent de larmes, puis elle relevait ses enfants qui sanglotaient par terre, et s’enfuyait désespérée dans sa demeure.