Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/451

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rebondir contre l’un des poteaux qui soutenaient la tente.

— Oh, Brakels !… Brakels !… ta dernière heure est venue ! s’écria Breydel comme effrayé de l’apparition inattendue du traître.

Le vieux boucher qu’on avait plaisanté sur ses mauvaises dents se précipita sur Brakels, le saisit à la gorge et le serra avec une telle force contre le poteau où Breydel l’avait lancé, que les yeux du patient lui sortaient de la tête ; la vigoureuse étreinte du boucher coupait la respiration au traître. Il eût été bientôt étranglé, si les mouvements qu’il faisait pour se dégager ne lui eussent permis de soulager de temps en temps sa poitrine oppressée.

Les clameurs des bouchers avaient éveillé une foule de gens qui accouraient avec curiosité de toutes les tentes environnantes, les uns sans justaucorps, les autres sans pourpoints. Dès qu’ils surent la cause du tumulte, ils se mirent à demander avec rage que Brakels leur fût livré.

— Donnez-le-nous ! s’écriaient-ils : nous voulons son sang ! nous voulons sa chair !

Breydel saisit le vieux boucher par les épaules et le sépara de Brakels en s’écriant :

— Ne vous souillez pas du sang de ce traître ! S’il n’était trop vil il serait déjà mort de ma main.

— Non ! s’écria le boucher en levant sa hache, je veux me donner ce plaisir-là. On gagne une place en paradis en mettant à mort un traître à son pays.