Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/465

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» Pierre de Coninck, doyen des tisserands, et Jean Breydel, doyen des bouchers, tous deux de notre bonne ville de Bruges, et leurs descendants, à perpétuité sont et demeureront de sang noble, et jouiront de tous les droits et priviléges dont la noblesse jouit dans notre pays de Flandre.

» Et, afin qu’ils puissent en jouir dignement, la vingtième partie de l’impôt payé par notre bonne ville de Bruges leur est accordée pour subvenir à l’entretien de leur maison. »

Les bruyantes acclamations des tisserands et des bouchers vinrent étouffer la voix du héraut d’armes avant qu’il eût terminé sa proclamation. La haute faveur qui était octroyée à leurs doyens, était aussi la récompense de leur bravoure à eux ; une partie de l’honneur fait aux chefs devait rejaillir sur les métiers. S’ils n’eussent pas été aussi sûrs de la loyauté de leurs doyens et de leur amour pour le peuple, ils eussent, sans aucun doute, vu leur anoblissement d’un œil de colère et y eussent vu une ruse politique des nobles ; ils eussent dit :

— Les nobles nous enlèvent les défenseurs de nos droits et séduisent nos doyens par leurs faveurs.

En toute autre circonstance, cette défiance n’eût pas été sans fondement ; car, le plus souvent, les hommes se laissent facilement détourner du droit chemin par l’ambition et la soif des honneurs. Aussi n’y a-t-il nullement à s’étonner de la haine ardente que porte le peuple à ceux de ses frères qui s’élè-