Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/467

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mis ses traits à sa volonté, qu’il était rare qu’on pût lire dans sa physionomie l’émotion qu’il ressentait. Il voulait maintenant se réserver le droit de pouvoir dire au prince, dans le cas où on demanderait quelque mesure préjudiciable au peuple :

— Qui vous a demandé vos faveurs ? Que m’avez-vous donc donné, pour exiger de moi une injustice ?

Il n’en était pas de même du doyen des bouchers : celui-ci ne s’était jamais contraint ; la moindre émotion, le moindre sentiment qui remuait son cœur se reflétait sur son visage ; et l’on s’apercevait facilement que la plus entière franchise était une de ses vertus. Aussi ne pouvait-il retenir les larmes qui s’échappaient de ses yeux bleus ; il penchait la tête pour les cacher, et, le cœur palpitant, vint se placer à côté de son ami de Coninck.

Tous les chevaliers et les nobles dames avaient mis pied à terre et avaient remis leurs chevaux aux pages. Guy fit approcher quatre écuyers portant une magnifique armure qu’il offrit aux doyens ; on les revêtit de la cuirasse, et le casque surmonté d’une aigrette bleue recouvrit leur tête.

Les Brugeois contemplaient dans un religieux silence cette solennelle cérémonie. Leur cœur débordait de joie, et ils étaient aussi émus que si cet insigne honneur leur eût été accordé à eux-mêmes. Quand les doyens furent armés, on leur fit fléchir un genou ; alors Guy s’avança, et tenant son épée au-dessus de la tête de de Coninck :