Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/496

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et gémissaient sous le poids qu’ils avaient à porter ; les armes retentissaient en s’entre-choquant ; un sourd murmure, semblable au grondement lointain de la mer irritée, résultait de tous ces bruits, et ce murmure était si vague et si indécis, qu’il ne troublait pas le silence des campagnes abandonnées. Partout où cette armée dévastatrice passait, elle laissait après elle des flammes effrayantes, qui montaient vers le ciel, perdues dans des flots de fumée. Pas une habitation n’échappait à la destruction ; pas un homme, pas un animal, ne fut épargné ; les chroniques l’attestent. Le lendemain, quand les flammes eurent accompli leur œuvre terrible, on n’aperçut plus au loin ni être humain, ni œuvre humaine ; la Flandre, depuis Lille jusqu’à Douai et Courtray, avait été si horriblement dévastée, que les nouveaux Vandales avaient droit à se vanter de l’avoir littéralement nettoyée avec un balai[1].

  1. Voici dans quels termes la Chronique de Flandre, publiée à Bruges, chez André Widts, vers 1725, s’exprime à ce sujet, et nous sommes obligé de supprimer certaines expressions trop énergiques : « L’armée française, en traversant le sud de la Flandre, commit de si affreux ravages que, de Lille à Douai, on ne trouvait plus ni maison, ni château, ni église, ni même un arbre. Ce que les païens les plus endurcis n’avaient jamais fait jusque-là semblait permis à ces dévastateurs ; ils n’épargnèrent ni hommes, ni femmes, ni enfants. Les images mêmes qui se trouvaient dans les églises, et qui consacraient le souvenir des saints du pays de Flandre, furent outrageusement maltraitées. Les couvents furent détruits, les moines mis à mort… Il n’y avait pas de différence entre eux et des démons. »