Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/522

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Ils s’engagèrent dans l’ouverture pratiquée dans les rangs ennemis avec l’intention d’attaquer l’armée par derrière, mais ils se trouvèrent loin de compte ; ils rencontrèrent de toutes parts un mur de lances et de haches. Jean Borlunt, en faisant avancer obliquement les deux ailes de son corps, forma les Gantois en triangle et ferma ainsi le filet dans lequel il avait pris près d’un millier de Français. Alors commença une affreuse boucherie ; pendant un quart d’heure, coups de hache, coups d’épée, coups de lance, s’échangèrent au milieu d’une mêlée épouvantable, sans qu’on pût voir qui succombait ni qui triomphait. Hommes et chevaux, renversés, confondus, criaient, hurlaient, hennissaient ; horrible tumulte dans lequel on n’entendait ni ne distinguait rien.

Pendant longtemps, Raoul de Nesle, couvert de blessures, éclaboussé par le sang des siens, combattit sur un monceau de cadavres ; sa mort était certaine. À cette vue, Jean Borlunt, pris d’un sentiment de compassion pour l’héroïque chevalier, lui cria :

— Rendez-vous, messire Raoul ; je ne voudrais pas vous voir mourir !

Raoul était devenu fou de rage et de désespoir ; il comprit les paroles de Borlunt, et peut-être un sentiment de reconnaissance vint-il émouvoir son cœur ; mais le reproche d’être d’intelligence avec l’ennemi, reproche que lui avait adressé le comte d’Artois, l’avait si vivement blessé et irrité, qu’il ne