Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croassements funèbres de ces avides oiseaux de proie planaient sur le champ de bataille et remplissaient d’effroi le cœur de ceux qui avaient encore un souffle de vie. Bientôt les corbeaux s’abattirent sur les cadavres et déchirèrent de leurs serres les muscles encore palpitants. Les blessés luttaient avec désespoir contre ces horribles ennemis et frémissaient de terreur à la pensée que leur chair allait leur servir de pâture ; pour eux pas de tombe, pour eux pas de lieu de repos après la mort, pour eux pas de terre bénite où ils pussent dormir jusqu’au jour du dernier jugement !

Quelle affreuse perspective ! quelle horrible pensée !

D’innombrables chiens affamés étaient accourus de la ville, attirés par l’odeur du sang ; ils couraient d’un cadavre à l’autre et s’appelaient par de longs hurlements, si lugubres, qu’on eût dit que l’enfer avait envoyé tous les démons pour célébrer la venue d’un si grand nombre d’âmes. Cependant ces animaux ne touchaient pas aux corps ; ils semblaient, au contraire, se lamenter tristement sur la dépouille des morts. Bien qu’ils léchassent çà et là le sang humain avec le sang des chevaux, ils combattaient les corbeaux avec acharnement et préservèrent ainsi maints cadavres de leurs serres immondes. À tous ces bruits sinistres se mêlaient le sourd hennissement ou plutôt les gémissements des chevaux expirants et les acclamations victorieuses des hommes