Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/562

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme si elles eussent été plongées dans un profond sommeil ; de temps en temps seulement, quand le bruit de la bataille s’élevait davantage, un soupir étouffé s’échappait de leur sein, et Marie disait en gémissant :

— Dieu tout-puissant, Dieu des armées, ayez pitié de nous ! Aidez-nous dans notre détresse, Seigneur !

Et la douce voix de Mathilde répondait :

— Ô doux Jésus, notre Sauveur, préservez-le, et ne l’appelez pas à vous, Dieu de miséricorde !

— Sainte Mère de Dieu, priez pour nous !

— Ô Mère du Christ, consolatrice des affligés, priez pour lui !

Et le tumulte grandissant de la bataille retentissait plus sinistre dans leur cœur, et leurs mains tremblaient d’épouvante comme les feuilles vacillantes du peuplier ; leur front se courbait plus profondément, des larmes plus abondantes inondaient leurs yeux, et leur prière redevenait indistincte et inintelligible.

La bataille dura longtemps : l’affreux tumulte des troupes qui s’entre-choquaient monta longtemps jusqu’à l’abbaye de Groningue ; mais la prière des jeunes filles dura plus longtemps encore, car le chevalier à l’armure dorée frappait à la porte du couvent, qu’elles n’étaient pas encore relevées du prie-Dieu. Des pas d’homme, qui retentirent dans le corridor sur lequel s’ouvrait la cellule, leur firent tourner la