Page:Conscience - Le Lion de Flandre, 1871.djvu/85

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tra dans la salle et vint se joindre à ses compagnons.

Il s’arrêta debout, muet, et considéra tour à tour le vieux comte et ses deux fils. L’expression de sa physionomie, d’ordinaire gaie et cordiale, avait disparu pour faire place à une profonde douleur et à une sincère compassion. À son aspect, les chevaliers se turent, effrayés, et ils se dirent qu’une mauvaise nouvelle devait être la cause de l’altération de ses traits.

Robert de Béthune rompit le premier le silence en s’écriant :

— Avez-vous perdu votre langue, Didier ? Parlez vite, et, si vos paroles doivent nous attrister, laissez de côté vos plaisanteries habituelles, je vous en prie.

— Ce n’est ici ni le lieu ni l’instant de plaisanter, monseigneur, répondit Didier, mais je ne sais comment vous annoncer la nouvelle que j’apporte ; je souffre d’être ici un messager de malheur.

La crainte se peignit, à ces mots, sur toutes les physionomies ; les regards se fixèrent sur Didier avec une curiosité pleine d’angoisse. Celui-ci prit une coupe, la remplit de vin, et, après l’avoir vidée, il dit :

— Cela me donnera le courage nécessaire. Écoutez donc, monseigneur, et pardonnez à votre fidèle serviteur Devos, si Dieu l’a condamné à vous apporter de semblables nouvelles. Vous aviez cru, n’est-ce pas, que Philippe le Bel vous recevrait à merci, et vous aviez raison de l’espérer, car Philippe de France est un généreux prince. Avant-hier encore, il s’estimait