Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/110

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cée à votre neveu, mais je vous le déclare ici : je suis pauvre, affreusement pauvre !

— Allons, allons, s’écria le négociant. Je comprends bien que vous teniez terriblement à vos écus ; on le sait de longue date ; mais au moment où vous mariez votre unique enfant, il faut cependant ouvrir le cœur et la bourse, et faire acte de bonne volonté en la dotant selon les convenances. On dit déjà — pardonnez-moi de le répéter — on dit que vous êtes avare ; que sera-ce lorsqu’on saura que vous laissez partir votre fille unique sans une bonne dot ?

Le gentilhomme, assis sur sa chaise en proie à d’affreuses angoisses, luttait péniblement contre les plaisanteries incrédules de monsieur Denecker, plaisanteries qui ne lui permettaient pas de changer par de courtes et claires explications la tournure de cette conversation si humiliante pour lui. Ce fut d’une voix presque suppliante qu’il s’écria :

— Pour l’amour de Dieu, monsieur, épargnez-moi ces amères allusions. Je vous déclare, sur ma parole de gentilhomme, que je ne possède rien au monde.

— Eh bien, répondit le négociant avec un malin sourire, nous allons conclure l’affaire en chiffres sur la table et voir tout de suite si notre compte supporte la preuve. Vous croyez peut-être que je suis venu vous demander de grands sacrifices ? Non, monsieur de Vlierbecke ; Dieu merci, je n’ai pas besoin d’y regarder de si près ; mais le mariage est une affaire qu’on entreprend à deux, et il est juste que chacun apporte quelque chose à la caisse commune, les parts fussent-elles d’ailleurs inégales !