Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/124

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— Un seul instant encore, ma bonne et chère Lénora ? Écoutez bien ce que je vais vous dire : mon oncle m’a refusé votre main ; j’ai pleuré, prié, je me suis arraché les cheveux. Rien n’a pu le faire changer de résolution ; le désespoir m’a jeté hors de moi ; je me suis révolté contre mon bienfaiteur, je l’ai menacé comme un ingrat, j’ai dit des choses qui m’ont donné horreur de moi-même lorsque l’accès de fièvre a été dissipé. Je lui ai demandé pardon à genoux ; mon oncle a un bon cœur : il m’a pardonné à condition que j’entreprendrais avec lui, immédiatement et sans résistance, un voyage en Italie depuis longtemps projeté. Il espère que je vous oublierai ! Moi, vous oublier, Lénora ! J’ai consenti à ce voyage avec une joie secrète. Ah ! je vais, pendant des mois entiers, me trouver seul avec mon oncle ; je vais le combler de soins et d’amour, je vais l’attendrir par un dévoilement sans bornes, le supplier sans relâche de me donner son consentement, le vaincre enfin et revenir triomphant, Lénora, pour vous offrir ma vie et ma main, parer votre front de la joyeuse couronne de fiancée, et vous proclamer à genoux, à la face des saints autels, la campagne de mon choix.

Un doux sourire éclaira le visage de la jeune fille, et dans son limpide regard se peignit le ravissement que lui faisait éprouver la peinture enchanteresse d’un bonheur encore possible ; mais le prestige s’évanouit bientôt. Elle répondit avec une morne tristesse.

— Pauvre ami, il est cruel d’arracher ce dernier espoir de votre cœur, et cependant il le faut. Votre oncle consentirait peut-être ; mais mon père ?