Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/128

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le sourire était triste, la caresse contrainte et languissante.

Si parfois Lénora, les larmes aux yeux, demandait à son père la cause de sa douleur, il savait toujours éviter toute explication sur ce point. Pendant des jours entiers il errait seul et absorbé par de sombres pensées, dans les allées les plus obscures du jardin, et semblait fuir la présence de sa fille elle-même. Si Lénora l’apercevait de loin, elle surprenait dans son regard une expression farouche où se mariaient l’irritation et le désespoir, et qu’accompagnaient des gestes brusques et convulsifs. S’approchait-elle de lui pour adoucir son chagrin par les marques de l’amour le plus dévoué, il répondait à peine à ses affectueuses questions et la quittait pour chercher dans la maison un refuge où il trouvât la solitude.

Un mois entier se passa ainsi, un mois de morne tristesse et de silencieuses souffrances.

Cependant Lénora remarquait avec désespoir le rapide amaigrissement et la croissante pâleur du visage de son père, et combien son œil si vif perdait chaque jour de son éclat : on eût dit qu’une maladie de langueur minait sa santé et consumait sa vie.

Vers cette époque, un changement dans la conduite de son père vint convaincre la jeune fille qu’un triste secret, un secret terrible peut-être, pesait sur son cœur.

Depuis huit jours s’allumait parfois dans ses yeux un ardent éclair ; il semblait toujours en proie à une fièvre violente ; ses paroles, ses gestes, toutes ses actions témoignaient d’une vive et profonde inquiétude. Puis,