Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/131

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dérer ses traits, la pâleur mortelle qui les couvrait la fit frissonner.

Profondément émue, elle n’eut pas la force d’adresser un mot à son père, et, muette, elle le laissa entrer dans la maison pour se réfugier sans doute encore dans la chambre la plus retirée.

À peine cependant fut-elle demeurée un instant sur la porte, qu’une vive rougeur colora son front et ses joues, et que la flamme d’une ferme résolution brilla dans ses yeux noirs encore humides de larmes. Elle s’élança sur les pas de son père en se disant à elle-même avec une fiévreuse énergie :

— Un sentiment de respect doit-il m’arrêter plus longtemps ? Dois-je laisser mourir mon père ? Ah ! non, non ! Je veux tout savoir, je veux arracher de son cœur le ver qui le ronge, je veux le sauver pour mon amour !

Sans regarder derrière elle, elle parcourut deux ou trois chambres en ouvrant vivement les portes et sans s’annoncer ; dans la dernière pièce, elle vit son père assis, les coudes appuyés sur une table, le front dans les mains ; des larmes abondantes coulaient de ses yeux.

Lénora s’élança vers lui, tomba à ses genoux en sanglotant, et levant vers lui des mains suppliantes, elle s’écria :

— Pitié pour moi, mon père ! je vous en supplie à genoux, partagez avec moi votre tristesse ; dites-moi ce qui déchire votre cœur. Je veux savoir pourquoi mon père se réfugie pour pleurer dans la solitude !

— Lénora, seul trésor qui me reste sur la terre, répondit le gentilhomme d’une voix brisée, le désespoir peint