Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/130

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qu’elle faisait, elle ouvrit le tiroir de la table qui servait habituellement de bureau à son père. Peut-être le désir de pénétrer le secret de son père la poussait-il à cette action sans qu’elle s’en rendît compte. Elle trouva dans le tiroir un seul papier déployé.

À peine son regard s’y fut-il arrêté qu’une pâleur soudaine se répandit sur ses joues, et ce fut en frissonnant qu’elle prit connaissance de la pièce découverte.

Bientôt elle referma le tiroir tout épouvantée ; elle quitta la chambre, la tête penchée, la démarche lente, profondément accablée.

Arrivée dans la chambre voisine, elle s’assit, demeura un instant muette, immobile, les yeux baissés, et murmura enfin :

— Vendre le Grinselhof ! Pourquoi ? Monsieur Denecker a insulté mon père parce que nous n’étions pas assez riches ? Quel est ce secret ? Serions-nous vraiment pauvres ? Quel trait de lumière ! Mon Dieu, c’est donc là le mot de l’énigme ! c’est là la cause de la tristesse de mon père !

Elle retomba dans une sombre rêverie. Mais peu à peu sa physionomie s’éclaira, ses lèvres s’agitèrent, ses yeux brillèrent de résolution.

Tandis qu’elle cherchait à se roidir contre le sort, et se préparait à lutter victorieusement contre l’infortune et la misère, elle aperçut tout à coup la vieille voiture qui rentrait au Grinselhof. À peine sur le seuil de la maison, elle vit son père affaissé sur lui-même plutôt qu’assis, le front penché sur la poitrine, comme un homme privé de sentiment, et lorsqu’il descendit et qu’elle put consi-