Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/133

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— Ce n’est pas parce que ce malheur vous frappe que vous languissez et que vous mourez lentement ; je connais votre invincible force de caractère, mon père ; non, c’est parce que je dois partager votre pauvreté que votre cœur faiblit et succombe. Soyez béni pour votre fervente affection. Mais, dites-moi, si l’on venait m’offrir toutes les richesses de la terre à condition que je consentisse à vous voir souffrir un seul jour, que croyez-vous que je répondrais ?

Muet et surpris, le gentilhomme contemplait sa fille en proie à une généreuse exaltation, et dont le regard brillait d’un feu héroïque. Un doux serrement de main fut sa seule réponse.

— Ah ! continua-t-elle, je refuserais tous les trésors du monde, et sans regret j’accepterais la misère… Et vous, mon père, si l’on vous offrait tout l’or de l’Amérique pour la perte de votre Lénora, que feriez-vous ?

— Ciel ! s’écria le père d’une voix entrecoupée, donne-t-on sa vie pour de l’or ?

— Ainsi, reprit la jeune fille, le bon Dieu nous a laissé à tous deux ce qui nous est le plus cher en ce monde. Pourquoi nous plaindre lorsque nous avons à bénir sa miséricorde ! Que votre cœur reprenne courage, mon père ; quel que soit le sort qui nous attend, et dussions-nous habiter une chaumière, rien ne pourra nous abattre tant que nous serons l’un près de l’autre !

Un sourire où se confondaient la surprise et l’admiration, éclaira le visage du gentilhomme ; il semblait déconcerté comme si quelque chose d’inouï se fût passé sous ses yeux. Il joignit les mains et s’écria :