Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Lénora, Lénora, mon enfant, tu n’appartiens pas à la terre, tu es un ange. Mon esprit s’égare ; je ne comprends pas ta grandeur d’âme !

La jeune fille vit avec une joie indicible qu’elle avait vaincu ; la flamme du courage s’était rallumée dans le regard de son père, sa noble tête se relevait lentement sous l’impulsion du sentiment de dignité qui gonflait son sein. Lénora contempla un instant, avec un sourire céleste, l’effet qu’avaient produit ses paroles, et s’écria d’un ton inspiré :

— Debout, debout, mon père ! Venez dans mes bras ! Plus de chagrin ! Unis comme nous le sommes, le sort est impuissant contre nous !

Le père et la fille s’élancèrent en effet l’un vers l’autre et demeurèrent quelques instants, abîmés dans une profonde félicité. Après ce fervent et saint embrassement, ils s’assirent, la main dans la main, l’un auprès de l’autre, et sur les traits de tous deux rayonnait un inexprimable sourire de bonheur ; on eût dit qu’ils avaient oublié le monde entier.

Le gentilhomme était encore plus ému que sa fille ; les larmes aux yeux, il reprit d’une voix exaltée :

— Un nouveau sang ranime mon cœur ; une vie nouvelle circule dans mes veines ! Oh ! je suis coupable, Lénora ; j’ai mal fait de ne pas te dire tout ; mais il faut me pardonner ; la crainte de t’affliger, l’espoir de trouver une porte de salut, m’ont arrêté. Je ne te connaissais pas encore tout entière ; je ne savais pas bien encore quel inestimable trésor Dieu m’avait donné dans sa bonté. Tu vas tout savoir ; aussi bien ne pourrais-je te cacher plus