Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/144

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viction que mon enfant sera malheureuse sur la terre… »

Je ne sais ce que mon amour pour elle m’inspira et me fit dire ; mais je lui promis, en prenant Dieu à témoin de ma promesse, que tu échapperais à la misère, Lénora, et que l’existence serait pour toi douce et heureuse. Un sourire céleste parut sur le visage de ta mère mourante ; en cet instant solennel elle crut à ma promesse. Elle passa encore une fois avec effort les bras autour de mon cou, et ses lèvres effleurèrent les miennes. Mais je sentis bientôt ses bras défaillir, et son âme monta vers Dieu dans un dernier soupir. Hélas ! Lénora, tu n’avais plus de mère ! Ma pauvre Marguerite était morte !

Le gentilhomme pencha la tête sur la poitrine et se tut. Lénora, muette aussi, pleurait ; un silence de mort régnait autour d’eux.

Bientôt la jeune fille rapprocha sa chaise de son père et prît sa main sans prononcer un mot.

Ils demeurèrent longtemps ainsi plongés dans une profonde tristesse. Enfin, Lénora se leva et s’efforça de consoler son père par ses caresses.

Monsieur de Vlierbecke, comme s’il eût eu hâte de terminer son récit, reprit d’une voix plus libre :

— Ce qui me reste à te dire, Lénora, n’est pas aussi triste que ce que tu viens d’entendre ; cela ne regarde que moi seul. Peut-être ferai-je bien de te le taire ; mais j’ai besoin d’une amie qui sache ce que j’ai souffert, qui connaisse tous mes secrets, et me permette de verser dans son cœur ce qui depuis dix ans est resté enseveli et caché.

Ta mère, mon unique soutien, m’était ravie ; je de-