Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/143

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Lénora baissait les yeux, et des larmes silencieuses coulaient sur ses joues. Le gentilhomme, tremblant d’émotion, la contempla un instant ; mais il reprit bientôt son triste récit.

— Pauvre mère, elle ne faisait que pleurer ! Chaque fois qu’elle regardait son enfant, sa petite Lénora, des larmes remplissaient ses yeux. Ton nom était sans cesse sur ses lèvres. C’était une prière continuelle qu’elle adressait au ciel. Enfin, elle entendit la voix de Dieu qui la rappelait à lui ; le prêtre l’avait préparée au dernier voyage. On t’avait arrachée de ses bras et conduite à la ferme. Je me trouvais seul, au milieu de la nuit, seul avec elle, dont les lèvres glacées m’avaient déjà donné le baiser de l’éternel adieu ; mon cœur saignait, le désespoir rongeait mes entrailles… Combien ses dernières heures furent douloureuses, mon Dieu ! Elle ressemblait déjà à un cadavre, et un torrent de larmes coulait encore de ses yeux éteints, tandis que ses lèvres s’efforçaient de bégayer le nom de son enfant comme une plainte suprême. Agenouillé devant son lit, les mains levées vers le ciel, j’implorais l’adoucissement de ses souffrances et le pardon de ce que j’avais fait ; ou bien, debout, je touchais de mes mains ses joues pâles, et j’essuyais par mes baisers les sueurs de l’agonie. J’étais hors de moi… Tout à coup elle parut reprendre le sentiment : c’était la dernière étincelle de la vie qui allait s’éteindre. Elle m’appela par mon nom ; je bondis et fixai sur ses yeux un œil égaré. Elle dit d’une voix distincte : « C’en est fait, mon ami ; adieu ! Dieu n’a pas adouci pour moi la dernière heure ; je meurs avec la con-