Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/148

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— Aucun, mon enfant, tu sais tout.

— Assurément, reprit Lénora gravement, un coup pareil, je le sais, serait considéré par d’autres comme un épouvantable malheur ; mais que peut-il sur nous ? Pourquoi vous-même parlez-vous avec tant de calme, mon père ? Pourquoi semblez-vous, comme moi, indifférent à l’heure qu’il est à l’inexorable arrêt du sort ?

— Ah ! c’est parce que tu m’as rendu courage et confiance, Lénora ; c’est parce qu’après une aussi longue contrainte je rentre franchement en pleine possession de ton amour ; c’est parce que tu me laisses espérer que tu ne seras pas trop malheureuse. Je sais ce que tu vas me répondre, noble enfant que Dieu m’a donné comme un bouclier contre toutes les douleurs ! Hé bien, j’accepterai la ruine sans fléchir le front, et je me soumettrai avec résignation à la volonté de Dieu… Hélas ! poursuivit-il avec tristesse, qui sait cependant quelles souffrances nous sont réservées ! Errer par le monde, chercher loin de ceux qu’on aime et qu’on connaît un asile ignoré, gagner par le travail de ses mains le pain de chaque jour ! Tu ne sais pas, Lénora, combien il est amer, ce pain de la misère !

La jeune fille frémit en voyant la tristesse redescendre comme un voile sombre sur le front de son père. Elle saisit ses mains avec effusion, et le regard plongeant dans son regard, elle lui dit d’une voix suppliante :

— Ah ! mon père, que le sourire du bonheur ne quitte pas votre visage ! Croyez-moi, nous serons heureux. Transportez-vous en esprit dans la position qui nous attend. Qu’y a-t-il donc là de si effrayant ? Je suis adroite