Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/208

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intervalles le morne et triste mugissement du bœuf.

Bientôt Trine, toujours muette, vint se mettre à côté du grand-père et arrêta sur lui un regard interrogateur et plein de prière.

Le vieillard sortit de sa douloureuse méditation, prit un lourd bâton et dit à la jeune fille :

— Ne perds pas courage, Trine. Dieu viendra à notre secours dans le péril. Allons, voici l’heure ; nous irons au-devant des pauvres conscrits…

Catherine suivit le grand-père dans un sentier qui passait devant la maison et menait au village. Bien qu’une ardente impatience poussât la jeune fille en avant, elle marchait cependant à pas lents. Le vieillard se retourna et remarqua qu’elle demeurait en arrière, la tête penchée et les joues d’une extrême pâleur. Il lui prit la main et dit avec une douce pitié :

— Pauvre enfant, combien tu dois aimer notre Jean ! Il n’est pas ton frère, et tu es plus émue que nous. Sois donc plus forte, chère Trine ; aussi bien ne sais-tu pas ce que Dieu a décidé !

— J’ai peur ! dit la jeune fille en soupirant et en tremblant visiblement, tandis qu’elle cherchait à percer du regard l’épaisseur du bois.

— Peur ? reprit le vieillard en s’efforçant de découvrir ce qui causait l’effroi de la jeune fille.

— Oui, oui ! dit Trine en sanglotant et en couvrant ses yeux de son tablier, c’est fini, nous sommes malheureux : il est tombé au sort !

— Comment peux-tu le savoir ? Ah ! tu me fais trembler aussi ! dit le grand-père avec anxiété.