Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/213

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une puissance inconnue l’eût paralysée. Elle gagna en chancelant le bord de la route, et, la tête appuyée contre un arbre, se mit à pleurer.

Le vieillard la rejoignit.

— Jean n’y est-il pas, que tu t’arrêtes, Trine ? demanda-t-il.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! j’en mourrai ! s’écria la jeune fille. Voyez, le voilà qui vient derrière les autres, la tête baissée et tout pâle. Il est à demi mort, le pauvre Jean !

— C’est peut-être la joie qui l’accable, Trine !

— Que vous êtes heureux, père, de ne plus avoir de bons yeux !

Sur ces entrefaites, Jean approchait du lieu où il remarqua son grand-père, et vint à pas lents droit à lui.

Trine n’alla pas à sa rencontre ; au contraire, elle cacha son visage contre l’arbre et sanglota tout haut.

Le jeune homme prit la main du vieillard, et, lui montrant un numéro, il dit d’une voix altérée :

— Père, je suis tombé au sort !

Puis, allant à la jeune fille, il poussa un profond soupir et fondit en larmes.

— Trine ! Trine !

Il n’en put dire davantage ; la voix s’arrêta dans sa gorge.

Le vieillard était trop ému pour prononcer un mot ou former une pensée ; il était là, muet, égaré, le regard attaché sur le sol, tandis que quelques larmes mouillaient ses joues ridées.