Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/214

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Un silence solennel régna jusqu’à ce que Jean s’écriât tout à coup d’une voix désespérée :

— Ô ma pauvre mère ! ma pauvre mère !

À cette exclamation une révolution complète se fit dans l’âme de la jeune fille. C’était une noble et courageuse femme. Aussi longtemps qu’elle avait été dans le doute elle avait pleuré ; maintenant son cœur s’était retrempé dans la certitude du malheur, maintenant un généreux sentiment du devoir l’arrachait à sa douleur, et elle retrouvait l’énergie morale propre à son beau caractère. Elle leva la tête, essuya ses larmes et dit avec résignation :

— Jean, mon ami, Dieu l’a décidé ainsi. Qui peut lutter contre sa volonté ? Tu demeureras un an encore avec nous ; peut-être y a-t-il encore de la ressource. Laisse-moi prendre l’avance ; je veux dire cela à ta mère aussi. Si un autre lui apportait cette terrible nouvelle, elle en mourrait, bien sûr.

Ce disant, elle quitta le chemin, prit à travers le bois de sapins et disparut.

Le vieillard et l’infortuné conscrit suivirent le chemin ordinaire et traversèrent le village. Ils entendaient chanter, crier et pousser de longues acclamations ; mais ils étaient trop profondément enfoncés dans leur douleur pour prêter attention à ces bruits joyeux.

Et lorsqu’ils furent proche de leur pauvre demeure ils virent venir au-devant d’eux Trine avec les deux femmes et le petit frère tout en larmes.

Le jeune homme lança à sa bien-aimée un regard d’intime reconnaissance ; il avait lu sur le visage de sa