Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/248

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Ces soldats lui paraissaient de braves gens, à l’exception d’un seul qui était plus âgé que les autres, et leur parlait avec une sorte d’autorité. Il portait de gros gants de peau de daim ; les boutons de sa veste reluisaient comme l’or, le bonnet de police penchait sur son oreille gauche, ses moustaches luisantes étaient relevées en croc au moyen de cire noire ; il était campé, le corps en arrière et la main sur la hanche, comme une perpétuelle provocation. Assurément, ce hautain guerrier devait être prévôt d’armes ou maître d’escrime.

Cet air et cette attitude n’étaient pas ce qui avait donné à la jeune fille mauvaise opinion de lui ; ce qui la mécontentait c’était qu’il lui fit si insolemment baisser les yeux sous son dur regard, et qu’il parût plaisanter à pleine voix sur son compte ; elle ne dissimula pas ses impressions, et l’orgueilleux chasseur put lire sur le visage de la jeune fille qu’elle n’éprouvait pour lui aucune sympathie.

Tandis qu’ils s’observaient ainsi l’un l’autre, l’hôtesse apporta un verre de bière à la jeune fille. Un jeune soldat, dont le regard était bienveillant et doux, s’approcha d’elle, et avançant son verre, lui dit dans le dialecte campinois :

— Trinquons ensemble, Mieken ! Vous êtes sans doute du côté d’Anvers ?

— Non, camarade, je suis du côté de Saint-Antoine, de Schilde ou de Magerhalle, comme vous voudrez.

— Et moi, je suis un garçon de Wechel ; par ainsi, nous sommes pays !

Une douce joie illumina les traits de la jeune fille ;