Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/249

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elle adressa au jeune soldat un affectueux regard, comme si elle eût trouvé un frère en lui.

Sur ces entrefaites, les autres chasseurs s’étaient aussi rapprochés de la table, les uns debout, les autres assis ; entre autres, le soldat aux moustaches retroussées s’était placé si près de la jeune fille, qu’il la touchait presque.

Trine ne put supporter cette familiarité moqueuse, et se mit à trembler comme si elle avait peur. Elle prit elle-même la main de son compatriote, et lui dit d’une voix douce et suppliante :

— Oh ! mon bon ami, restez assis près de moi, s’il vous plaît ; j’ai peur de ce Wallon. Qui croit-il donc que je suis ?

— Bah ! bah ! répondit l’autre ; c’est un fanfaron. Qu’il vous touche seulement, et il aura mon poing sur les moustaches, tout maître d’armes qu’il est !

Encouragée par ces paroles, Trine se tourna vers le railleur et lui dit avec fierté :

— Monsieur le soldat, je vous prie de vous asseoir un peu plus loin. Que pensez-vous donc ? Me prenez-vous pour une fille de rien ?

Le maître d’armes poussa un long éclat de rire. Il recula cependant un peu sa chaise, en proférant des plaisanteries que la jeune fille heureusement ne comprit pas.

— Dites-moi, mon ami, demanda Trine à son protecteur, dites-moi votre nom ; je tiens à le savoir.

— François Caers !

— François Caers ! Voyez un peu comme on se rencontre : il n’y a pas quinze jours que nous avons vendu