Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/31

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— Qu’y a-t-il pour votre service, Madame ?

— Nous voudrions voir chez nous ce bac à moules.

— Je suis fâché, Madame, de ne pouvoir l’y conduire. J’ai une commission pressée.

Anna, qui était très-compatissante et qui connaissait mieux que son amie les pauvres, dit précipitamment à l’ouvrier près de s’éloigner :

— C’est rue de la Boutique que nous allons !

— Alors je suis à vos ordres. Madame, car je vais justement de ce côté !

Il empoigna le bac à moules, le dégagea du milieu des objets épars sur le sol, et suivit les deux dames qui marchaient passablement vite. Un amer chagrin oppressait sa poitrine à la pensée qu’il lui fallait mener pour autrui cette charrette qui avait été la sienne ; mais la certitude que, grâce à l’argent de la vente, il allait sécher les larmes de son excellente femme, mêlait à sa tristesse une douce consolation. Il reçut avec peine des dames l’ordre de s’arrêter devant une boutique. Mais il ne tarda pas à pouvoir se remettre en route, car à peine les deux dames étaient-elles entrées dans la boutique qu’on jeta sur la charrette un sac de pommes de terre, deux ou trois grands pains, du bois, et qu’Anna elle-même y plaça soigneusement un pot de grès.

Arrivé dans la rue de la Boutique, l’ouvrier demanda où il devait conduire le bac à moules. Anna répondit avec intention :

— Allez toujours ! C’est plus loin !

Malgré cet ordre, il s’arrêta devant une humble porte qu’Anna reconnut pour celle-là même qu’elle avait été