Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/33

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Elle lui donna une pièce de monnaie en lui montrant la porte.

Il se précipita hors de la chambre et disparut comme une flèche.

Anna souleva la pauvre mère dans ses bras. Son manteau de satin et son chapeau de velours se frippèrent au contact des misérables vêtements de l’infortunée. Mais elle songeait vraiment bien à cela ! Elle prodiguait à Thérèse les soins qu’elle eût prodigués à une sœur. Et en effet, dans sa miséricorde, elle regardait comme sa propre sœur, selon le commandement du divin Jésus, cette femme agonisante. Elle avait tiré de sa poche une orange et en exprima le jus sur les lèvres bleuies de la malade, dont elle frictionnait énergiquement les mains. Elle poussa un cri de joie en voyant s’ouvrir les yeux de la mère ranimée.

Pendant ce temps, Adèle ne s’était pas bornée à contempler cette scène de famine et de misère. Aussitôt qu’elle avait entendu la supplication du petit garçon, elle avait couru vers le bac à moules et en avait rapporté le pot de grès et un pain, en chargeant l’enfant de jeter du bois sur le feu.

Dès que Jean eut aperçu le pain, ses yeux ne s’en détachèrent plus et il redemanda une tartine. Adèle, qui, le matin encore, témoignait tant de répulsion pour les pauvres, fut si émue à l’aspect de tant de souffrance qu’elle prit elle-même le couteau sur la table et appuya le pain sur sa poitrine, au préjudice de son élégante toilette, pour couper la tartine que l’enfant désirait si ardemment.