Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/34

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— Tiens, mon enfant, dit-elle, mange à ton appétit. Tu n’auras plus à souffrir la faim.

L’enfant saisit avec joie la tartine, baisa la main en signe de reconnaissance, et adressa à Adèle un si doux regard que celle-ci dut se détourner pour cacher les larmes que l’émotion lui arrachait.

En même temps la mère ouvrait les yeux et les fixait avec bonheur sur son enfant, occupé à assouvir sa faim. Peut-être allait-elle remercier sa bienfaitrice, mais le retour de son mari l’en empêcha. Lui, voyant, contre son attente, sa femme revenue à la vie, déposa précipitamment une bouteille sur la table, s’élança vers sa compagne, la saisit dans ses bras et l’embrassa à plusieurs reprises avec égarement, il la tenait enlacée comme s’il eût craint de la perdre encore et répétait continuellement :

— Chère Thérèse, tu vis encore, ma femme bien-aimée ! J’ai l’argent de notre bac à moules ; nous avons de quoi manger maintenant. Sois tranquille ! Oh ! mon Dieu ! Vois-tu, dans mon malheur, je suis encore aussi joyeux que les anges… C’est bien vrai, ma chère Thérèse, car je croyais ne jamais te revoir en ce monde.

Anna s’approcha avec une tasse pleine de vin et la porta aux lèvres de la faible femme. Tandis que celle-ci buvait la fortifiante liqueur, le mari jetait des regards pleins de surprise sur Anna et sur son amie, qui, un peu plus loin, se tenait près du feu avec Jean et mettait en avant les petites mains du bonhomme en disant :

— Chauffe bien tes mains, mon petit homme, et