Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/35

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mange bien vite ta tartine ; je t’en donnerai une autre après celle-là.

L’ouvrier semblait sortir d’un rêve ; on eût dit qu’il s’apercevait seulement de la présence des deux amies.

— Mesdames, dit-il en balbutiant, pardonnez-moi si je ne vous ai pas encore remerciées du secours que vous avez prêté à ma pauvre femme. Vous êtes bien bonnes de vouloir entrer dans notre misérable logis, et je vous en remercie mille fois !

— Bonnes gens, répondit Anna en élevant la voix, nous savons ce que vous avez souffert de la faim et du froid, et combien vous eussiez gémi de devoir aller mendier votre pain, parce que, comme d’honnêtes ouvriers, vous préférez gagner votre vie à la sueur de votre front. De pareils sentiments méritent une récompense. Vous n’aurez plus à souffrir d’aucune privation désormais !

Elle mit une poignée d’argent sur la table et continua :

— Voilà de l’argent ; à votre porte il y a des pommes de terre, du bois et du pain : tout cela vous appartient. Quant au bac à moules, il n’a pas été vendu ; servez-vous-en pour gagner votre pain quotidien, vivez toujours honnêtement, ne mendiez pas ; mais si la faim et le froid viennent encore vous surprendre, voici ma carte : vous y trouverez mon nom et ma demeure, et je serai toujours votre protectrice et votre amie.

Tandis qu’Anna parlait, on n’entendait pas un soupir dans la chambre, tant était grand le silence qui y régnait ; mais un torrent de larmes coulait des yeux de l’ouvrier