Aussi loin que portait le regard, rien ne souillait la blancheur immaculée des campagnes, car même les maisons du village et l’église étaient comme cachées sous les plis de leur vêtement d’hiver ; rien ne faisait contraste, sinon l’austère feuillage des sapins qui élevaient au-dessus de la neige leurs cimes d’un vert sombre, et ressemblaient dans leur immobilité à des sentinelles veillant sur un camp endormi…
Si la nature s’était enveloppée de calme et de repos, l’homme poursuivait son pesant et éternel labeur ; de chaque métairie, de chaque maison du village s’élevaient mille voix, mille bruits divers. Ici le sol gémissait sous le battement cadencé des fléaux, là résonnait l’impatient tic-tac des moulins à blé, plus loin retentissaient les coups secs du teillage du lin ou le lourd murmure de la baratte.
Ajoutez à tout cela la douce chanson des jeunes filles, le sifflement aigu des paysans… et puis encore le hennissement des chevaux, le meuglement des vaches, le plaintif et doux bêlement des moutons…
Hymne admirable qui s’élève vers Dieu, et lui dit que ses créatures se réjouissent dans leur travail et le remercient de leur sort sur la terre !
Une seule maison, au milieu de toute cette vie, demeurait muette et morne comme une tombe. Située à quelques portées d’arbalète du village, elle était évidemment le reste d’un ancien couvent dont la plus grande partie avait été brûlée ou démolie ; car du sol qui l’entourait surgissaient encore çà et là des fragments de murs épais.