Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/40

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attestaient une ancienne opulence grandement amoindrie sinon totalement disparue.

L’équipage était attelé d’un grand et robuste cheval au pas court et pesant à la vue duquel un connaisseur eût deviné sans peine qu’il était ordinairement employé à de plus rudes travaux, et qu’il avait l’habitude de traîner le chariot et de creuser les sillons.

Sur le siége de devant était assis un jeune paysan de dix-sept ou dix-huit ans ; il était en livrée ; un ruban d’or ornait son chapeau, et des boutons de cuivre brillaient à son habit ; mais le chapeau tombait jusqu’à ses oreilles, et l’habit était si large que le jeune homme s’y perdait comme dans un sac. Assurément ces vêtements, propriété du maître, avaient servi aux prédécesseurs du laquais qui les portait, et avaient dû pendant une longue suite d’années passer de main en main jusqu’à leur usufruitier actuel.

La seule personne qui se trouvât dans le fond de la voiture était un homme d’une cinquantaine d’années. Personne ne se fût douté qu’il était le maître de ce laquais novice, et le propriétaire de ce vieil équipage en désarroi, car tout en lui commandait le respect et la considération

Le front penché, abîmé dans une profonde médiation, il demeurait immobile et rêveur jusqu’à ce qu’un bruit quelconque annonçât l’approche d’une autre voiture. Alors il relevait la tête. Son œil s’adoucissait et prenait le serein éclat du regard de l’homme heureux ; mais à peine avait-il échangé un gracieux salut avec les passants qu’un voile de tristesse s’étendait