Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/413

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de quoi s’étonner ; la jeune fille qu’il avait connue jusqu’ici douce et résignée comme un agneau, était là, l’œil plein de flammes ; l’accent de sa voix dénotait une inflexible volonté. Ce ton inspiré par la révolte de cette âme virginale contre une odieuse perversité, fit une impression défavorable sur l’esprit du vieillard. Deux larmes coulèrent sur ses joues creuses.

— Hélas ! tout est donc trahison et tromperie, dit-il, tout, jusqu’au cœur de Cécile ! Ainsi, mon enfant, vous avez dissimulé à ce point pendant de longues années ? Oh ! cela abrégera ma vie !

Le courage de la jeune fille se brisa tout à fait à ce cruel reproche, elle tomba à genoux devant son oncle, et, baignant ses mains de larmes, elle s’écria :

— Ô vous, que j’aime comme un second père, ne le croyez pas : c’est un démon de perfidie ! Il ne vous aime pas ; il se raille de vous, il dissimule et fait l’hypocrite. Il en veut à votre argent, il désire votre mort. Tout à l’heure encore il disait contre vous des choses qui m’ont fait peur. Pour l’amour de Dieu, ne le croyez pas : c’est votre ennemi.

La surprise du vieillard grandissait de plus en plus. Les paroles de Cécile avaient produit sur lui un effet contraire à celui qu’elle en espérait. Il releva la jeune fille, et l’éloigna avec la main. En même temps, il hochait douloureusement la tête et regardait Mathias comme s’il lui eût demandé quelque chose.

— Ne vous fâchez pas trop contre elle, oncle Jean, dit l’imposteur. Vous avez été jeune : peut-être vous est-il arrivé d’aimer. Dès lors, vous devez savoir aussi jusqu’où