Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/43

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Pendant que l’hôtesse lui faisait, avec une extrême volubilité, ces questions et bien d’autres, monsieur de Vlierbecke descendit de voiture. Il adressa quelques paroles flatteuses à l’hôtesse, lui fit compliment sur sa santé, s’informa de chacun de ses enfants, et finit par lui annoncer qu’il devait se rendre en ville à l’instant. Il lui serra cordialement la main, mais avec une sorte de bienveillance protectrice qui laissait intacte la distance qui les séparait ; et après avoir donné quelques ordres à son domestique, il salua avec affabilité, et se dirigea à pied vers le pont qui conduit en ville.

Monsieur de Vlierbecke s’arrêta un instant sur un point isolé des glacis extérieurs, secoua la poussière qui couvrait ses vêtements, brossa son chapeau avec son foulard, et franchit ensuite la Porte-Rouge.

En entrant en ville où il allait rencontrer de nombreux passants et se trouver constamment en butte aux regards, il redressa la tête et la taille ; sa physionomie prit cette sereine expression de contentement de soi qui fait croire aux autres que l’on est heureux. Et cependant, tandis qu’une inaltérable satisfaction se peignait sur son visage, son âme était en proie à de profondes et douloureuses angoisses. Il allait au-devant d’une humiliation, et d’une humiliation dont la seule probabilité faisait saigner son cœur. Mais il y avait au monde un être qu’il aimait plus que sa vie, plus que son honneur, sa fille ! Pour elle il avait si souvent sacrifié son orgueil, pour elle il avait tant de fois souffert comme un martyr. Et cependant son amour le dominait tellement, que chaque souffrance, chaque épreuve nouvelle l’élevait à ses propres