Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moi ce que je vous demande ; aussi longtemps que je vivrai je bénirai le nom de mon bienfaiteur, le nom du sauveur de mon enfant !

Le notaire retira sa main et répondit avec embarras :

— Mais je ne comprends pas ce que tout cela peut avoir de commun avec la somme que vous voulez emprunter…

Monsieur de Vlierbecke mit la main dans sa poche et répondit d’une voix triste :

— Ah ! c’est ridicule, n’est-ce pas, de tomber aussi bas et de voir son bonheur ou son éternel malheur dépendre de choses dont tout autre homme se raillerait ? C’est ainsi pourtant ! Ce jeune homme vient avec son oncle dîner demain chez nous ; l’oncle s’est invité lui-même ; nous n’avons rien à leur offrir ; ma fille a besoin de quelques bagatelles pour être convenablement mise ; à notre tour, nous serons sans doute conviés par eux… Notre isolement ne cachera plus longtemps notre misère ! des sacrifices de toute espèce ont été faits pour ne pas succomber sous la honte…

En prononçant ces derniers mots, sa physionomie prit une expression déchirante ; il tira la main de sa poche, et montrant au notaire deux francs environ en menue monnaie :

— Voyez, dit-il en souriant amèrement, voilà tout ce que je possède encore ! Et demain des gens riches dînent chez moi ; et si mon indigence se trahit en quelque chose, tout espoir pour ma fille est perdu ! Pour l’amour de Dieu, monsieur le notaire, soyez généreux, venez à mon aide !