Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/50

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— Mille francs ! murmura le notaire ; je ne puis tromper mes commettants. Or, quel gage garantira cette somme ? Vous ne possédez rien qui ne soit grevé outre mesure…

— Mille… cinq cents… deux cents !… s’écria le gentilhomme ; mais prêtez-moi du moins de quoi sortir de ce cruel embarras !…

— Je n’ai pas de fonds disponibles ! répondit froidement le notaire ; dans quinze jours peut-être ! et encore ne puis-je l’assurer…

— Eh bien ! par amitié, je vous en supplie, dit le gentilhomme, prêtez-moi sur votre propre caisse !

— Je ne puis espérer que vous me rendiez jamais ce qui vous sera prêté, dit le notaire avec un visible dépit ; c’est donc une aumône que vous demandez ?

Le gentilhomme s’agita péniblement sur son siège et devint tout pâle ; un éclair brilla dans ses yeux, et son front se plissa convulsivement… Cependant il réprima sur-le-champ sa violente émotion, inclina la tête et murmura avec une sombre résignation :

— Une aumône ! Soit… buvons cette dernière goutte du calice de douleur ! C’est pour mon enfant !

Le notaire prit dans un tiroir quelques pièces de cinq francs et les présenta au gentilhomme. Soit que celui-ci se sentit blessé de se voir offrir une aumône véritable, soit que la somme lui parût trop minime pour lui être utile, il jeta sur l’argent un regard farouche et se laissa tomber sur son siége en poussant un soupir déchirant et en couvrant son visage des deux mains.

Un domestique vint annoncer un autre visiteur ; le