Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/531

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visage étaient si purs et si fins, son caractère était si doux et si aimable, qu’elle avait donné dans l’œil à beaucoup de jeunes gens. Selon les présomptueuses idées de son père, elle était beaucoup trop bonne, trop instruite et trop belle pour épouser le fils d’un paysan. Il l’avait placée pendant quelques années dans un pensionnat renommé, afin qu’elle y apprît le français et y gagnât des manières en harmonie avec la haute destinée qui l’attendait.

Heureusement Lisa ou Lisette, comme l’appelaient les paysans, était revenue toujours simple et ingénue, bien que des germes de vanité et d’étourderie eussent été jetés dans son âme : la pureté naturelle de son cœur avait étouffé ces semences de mal ; et jusque dans les traces qui pouvaient en rester, sa virginale innocence mettait un charme qui faisait tout excuser en elle.

Selon la coutume, elle n’avait reçu qu’une demi-éducation ; elle comprenait passablement le français, mais ne le parlait qu’imparfaitement. En revanche, elle savait broder d’une manière exquise, faire des pantoufles et des coussins de pied de mille couleurs, tricoter des perles, découper des fleurs de papier, dire le bonjour le plus gracieux, s’incliner et faire la révérence, danser selon toutes les règles de l’art, et elle possédait mille autres talents d’agrément qui, comme dit le proverbe, étaient de mise dans la rustique habitation de son père comme une fraise de dentelle au cou d’une vache.

Dès son enfance, Lisa avait été destinée pour femme à Karel, le fils du brasseur, l’un des plus beaux garçons que l’on put trouver, avec cela fort à son aise pour un