Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/533

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gagement pris de longue date, et avait même consenti à ce qu’on préparât et mît en état toutes choses pour le prochain mariage.

L’affaire des jeunes gens était donc sur un assez bon pied, quand le frère de baes Gansendonck, frère qui n’était pas marié, mourut après une courte maladie et laissa un bel héritage, lequel, bientôt après, vint s’ajouter dans l’auberge du Saint-Sébastien, en bonne monnaie sonnante à d’autres tas d’écus.

Pierre Gansendonck était d’avis, comme bien d’autres, que l’esprit, la noblesse et la supériorité d’un homme doivent se mesurer uniquement par l’argent qu’il possède ; et, bien qu’il ne sût pas l’anglais, il était cependant tout porté par sa nature à regarder comme donnant à tout une réponse satisfaisante et irréfragable, cette sublime pensée britannique : Combien cet homme pèse-t-il de livres d’argent ? Ce que dit d’ailleurs aussi le vieux proverbe flamand : L’argent, qui est muet, redresse ce qui est de travers et donne de l’esprit au sot.

Il va sans dire qu’avec un aussi beau système son orgueil ou plutôt sa folie s’était accrue plus encore que sa fortune. Il s’estimait maintenant l’égal au moins de monsieur le baron du village, car il croyait consciencieusement peser autant de livres que ce noble propriétaire.

À dater de ce jour baes Gansendonck se monta de plus en plus la tête, et se crut un des premiers personnages du pays. Il rêvait souvent, pendant des nuits entières, qu’il descendait d’une noble race ; et même, durant le jour, cette pensée flatteuse le berçait et cares-